Par Chloé Thibaud. Paru sur le site : www.magicmaman.com     Mis à jour le 22/08/2022.

Ehlers-Danlos est une maladie génétique héréditaire encore méconnue et souvent mal diagnostiquée. Comment la dépister chez votre enfant ? Peut-on la soigner ? Témoignages d’un professeur spécialisé et de sa patiente.

Les chiffres donnés concernant ce syndrome sont assez variables, d’autant que comme le rapporte la Haute Autorité de Santé, il existe 13 types de SED. Selon le professeur Claude Hamonet, spécialiste de la maladie depuis 18 ans, environ un million de personnes seraient touchées en France. Un chiffre qui amène à penser qu’il ne s’agit pas vraiment d’une maladie rare. « Contrairement à ce qu’on entend, elle est même très fréquente. Le vrai problème, c’est de pouvoir l’identifier, car personne ne la connaît et la plupart des médecins n’y pensent même pas… » explique le professeur. Résultat : de nombreux patients sont victimes d’erreurs de diagnostic et suivent des traitements non adaptés qui peuvent, dans certains cas, leur coûter la vie.

C'est quoi le syndrome Elhers-Danlos ?

Pour commencer, cette maladie doit son nom à deux chercheurs : l’un danois, Edvard Ehlers, l’autre français, Alexandre Danlos. Elle est d’origine génétique et héréditaire, autrement dit, « elle se transmet du parent à l’enfant et si l’un des deux parents l’a, tous les enfants l’auront », détaille Claude Hamonet. Il est difficile de la définir tant ses manifestations sont nombreuses, mais « si l’on cherche une définition générale, c’est une atteinte du tissu conjonctif, c’est-à-dire de l’armature de notre corps : le collagène. Lorsqu’on souffre du syndrome, les tissus sont moins solides, ils ont perdu leurs caractéristiques mécaniques : par exemple, lorsqu’on étire la peau, ils ne se remettent pas en place. C’est une maladie diffuse de tous les organes et un trouble de la proprioception.»

La proprioception est notre capacité à nous percevoir nous-même, à savoir si l’on a chaud, froid, si notre vessie est pleine ou si notre corps tient en équilibre. Mais chez les personnes atteintes, « il y a un désordre, une anarchie, poursuit le professeur Hamonet. Ces sensations sont déformées car les capteurs qui se trouvent dans les tissus envoient des informations faussées : perceptions trop fortes, trop faibles, absentes ou simplement différentes de chez les autres. » Un état résolument difficile à nommer - et à concevoir.

Syndrome d’Ehlers-Danlos : comment le reconnaître ?

Chez l’enfant, la caractéristique première du syndrome sont les ecchymoses. Aussi, il faut être extrêmement vigilants car « assez souvent, on pense que l’enfant est battu à cause des bleus qu’il a partout sur le corps. Mais s’il ne se rappelle pas s’être cogné, il faut penser au syndrome, c’est essentiel pour le dépistage, et pour éviter de fausses accusations ».

Mais beaucoup d’autres éléments doivent aussi attirer votre attention :

- des saignements fréquents (nez, gorge)

- une peau fine, transparente, étirable, qui cicatrise mal et se déchire facilement

- une tendance à recevoir des « coups de jus » car la peau n’arrête pas l’électricité

- une grande fatigue

- des infections enfantines à répétition(otite, sinusite, angine)

- des entorses, blocages articulaires, craquement

- des chutes et pertes d’équilibre

- des troubles respiratoires (qu’on peut prendre pour de l’asthme

- une hypermobilité, c’est-à-dire une très grande souplesse

- des troubles digestifs (constipation, rejet du biberon, reflux)

- des douleurs abdominales très aiguës (sensation de coups de poignard)

La liste des symptômes est longue. « Quand on a le syndrome, on a mal partout et on saigne de partout, constate Claude Hamonet. Si les douleurs sont fortes et que les examens qu’on passe ne relèvent rien, il faut absolument penser à Ehlers-Danlos. » Y penser, pour éviter l’errance médicale. Cela a été le cas de Patricia : déclarée fibromyalgique à tort, elle a compris qu’elle souffrait d’Ehlers-Danlos le jour où l’on a dépisté la maladie chez son fils de 13 ans, Benjamin.

Comment vivre avec le syndrome Ehlers-Danlos ?

« J’aimerais dire aux mamans de toujours écouter leur enfant » : Patricia, maman de 46 ans, atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos

« Cela fait trois ans que la maladie a été déclarée et que mes deux fils et moi vivons avec. Cette maladie est sournoise et imprévisible. C’est une grippe multipliée par dix, tout le temps… Comme de la maltraitance envers notre corps. On a beau me dire que je ce n’est pas de ma faute, je me sens coupable car le syndrome vient de moi, et c’est un sentiment difficile de voir ses enfants souffrir. Alors je me bats pour les faire sourire et qu’ils aient du plaisir, malgré leur handicap. Aujourd’hui, j’aimerais dire aux mamans de toujours écouter leur enfant. Un enfant qui se plaint tout le temps, qui se replie sur lui-même, ce n’est pas normal. Et lorsqu’elles voient un médecin, toujours demander un autre avis. Il ne faut avoir peur de rien, c’est ainsi qu’on arrivera à faire avancer les choses ! »  Si l’on ne guérit pas de la maladie, il existe plusieurs moyens de soulager ses symptômes, notamment grâce à des vêtements adaptés, des coussins, et autres systèmes à mémoire de forme. Pour lutter contre la fatigue et les migraines, un distributeur d’oxygène peut aussi être utilisé. Enfin, il est conseillé de beaucoup bouger. Natation, vélo, tai-chi-chuan, équitation : de nombreux sports sont praticables malgré la maladie. « Car il faut vraiment profiter de la vie », conclut Patricia.