Article Du Plusmagazine du 19/01/2023

Christine Lambin, 67 ans, a découvert qu'elle était atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos (SED) lorsque sa fille a elle-même été diagnostiquée à l'âge de 16 ans. Cette maladie rare et encore incurable se manifeste le plus souvent par une hypermobilité articulaire, une peau fragile et des anomalies des vaisseaux sanguins.

© frédéric raevns

"Vers 4 ans, ma fille a commencé à se plaindre de douleurs aux jambes. Le médecin me disait que c'était la croissance, que ça passerait. Mais ensuite, elle a commencé à avoir très souvent des entorses, des luxations, des épanchements de synovie", raconte Christine Lambin. Une fracture spontanée apparaît même lors d'une séance de gymnastique, alors que la petite fille, très sportive, se trouve en appui sur les barres parallèles. À l'entrée dans le secondaire, ce sont les tendinites à répétition qui lui gâchent la vie. "Elle en attrapait en écrivant ! Progressivement, elle a dû arrêter le sport, la guitare, la peinture, le scoutisme..." Des deuils successifs et des maux qui demeurent inexpliqués. Christine frappe à toutes les portes pour tenter d'aider sa fille : médecins, kinés, ostéopathes qui, faute du bon diagnostic, font parfois pire que mieux... Jusqu'à ce qu'un chirurgien de la main les oriente vers une consultation en génétique et que le diagnostic soit posé.

Le SED est une maladie invisible mais très invalidante !

ERRANCE MÉDICALE

"Ma fille avait alors 16 ans. Le syndrome d'Ehlers-Danlos, c'est d'abord une longue histoire d'errance médicale...", résume Christine. Au moment du diagnostic, elle-même découvre qu'elle est atteinte du SED, mais dans une forme moins sévère. À regarder dans le rétro, voilà qui éclaire ses déchirures musculaires inexpliquées, sa fausse couche, son accouchement précipité, ses problèmes lymphatiques... Car le syndrome d'Ehlers-Danlos s'inscrit dans une histoire familiale. "Maman avait, elle aussi, des douleurs étonnantes, terribles. À l'époque, on disait que c'était de l'arthrite rhumatoïde. Elle avait aussi la peau très fine et d'épouvantables maux de tête", raconte Christine.  "Mes petites-filles commencent aussi à avoir des symptômes de la maladie", poursuit-elle.

Si on estime que le syndrome d'Ehlers-Danlos touche aujourd'hui 1 personne sur 2000 (et majoritairement des femmes), ce qui en fait une maladie rare, certains spécialistes pensent que ce chiffre serait largement sous-estimé. Des recherches doivent encore être menées car si certaines formes du SED sont associées à des mutations génétiques connues, ce n'est pas le cas pour toutes. Il est ainsi plus juste de parler des syndromes d'Ehlers-Danlos avec comme point commun une anomalie dans la production de collagène, une protéine qui donne son élasticité et sa force aux tissus conjonctifs tels que la peau, les tendons, les ligaments, ainsi que les parois des organes et des vaisseaux sanguins.

PORTER SON PROPRE CORPS

Dans la forme du syndrome dite "hypermobile", telle que celle qui affecte Christine et sa fille, il n'est pas rare que les personnes pratiquent la musique ou la danse car l'extrême souplesse de leurs articulations favorise dans un premier temps ces pratiques. De multiples symptômes peuvent par ailleurs être associés comme une peau très fine et fragile, des problèmes digestifs, cardiaques, articulaires, pulmonaires, de même que des problèmes précoces d'incontinence, etc. Les examens invasifs comme les colonoscopies doivent être pratiqués avec une grande précaution, car ils peuvent blesser en raison de la grande fragilité des tissus. Une hypersensibilité émotionnelle et physique est également très souvent observée. "Certaines personnes ne supportent pas les étiquettes qui dépassent des vêtements, mais aussi certains sons. Beaucoup ont aussi des problèmes de proprioception et se cognent souvent." Associées à un risque accru d'ecchymoses et à une mauvaise cicatrisation, ces blessures régulières conduisent parfois les parents à être soupçonnés de mauvais traitements. "Heureusement, aujourd'hui, le SED commence à être mieux connu : il est enseigné en faculté de médecine et il a ses quelques spécialistes, ses associations de patients", poursuit Christine, pour qui cette reconnaissance est fondamentale dans le mieux-être des patients et de leur entourage. Car le SED est une maladie invisible, mais aux répercussions très nombreuses. Sa fille, institutrice, a ainsi dû abandonner pour l'instant son métier. "Il lui est arrivé de se déboîter une vertèbre rien qu'en secouant une nappe ou en dormant."  La douleur et la fatigue sont omniprésentes.  "Le collagène, c'est comme le béton de notre corps : ce qui tient les pièces ensemble. Quand il est déficient, c'est comme si vous deviez tout le temps porter votre propre corps." 

Infos: Groupe d'Entraide des Syndromes d'Ehlers-Danlos asbl

https://www.gesed.com